1. |
Endormir Alice
01:24
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L’aurore se lève,
toujours trop en avance,
sur nos sommeils morcelés.
Ton crâne tient au creux de mes mains
et nous sommes déjà demain.
Alice,
je suis désolé,
ces nuits nous nuisent à tous deux,
et le fil qui nous unit,
trop tendu,
s’amenuise,
rongé par ces matins trop acides,
ces aubes trop rapides
aux rayons trop aigus
et trop anguleux.
Ton sommeil grommelé
s’égrène au gré
des rêves granuleux
qui irritent le galbe
de nos quatre yeux.
Quant à tonn crâne,
au creux de mes mains,
il repose,
lui.
Mes pieds nus
sur le lino
froid,
pour la millionième fois
depuis que s’en fut
le crépuscule.
Et toi,
minuscule,
tu cries ton effroi incompréhensible
d’un Marchand de Sable
aussi insensible qu’insaisissable ;
effroi qui m’abasourdit,
et me laisse
pieds et mains engourdis,
et paupières alourdies.
Tes pleurs résonnent
et réduisent à néant
mes efforts céans
pour combles ces gouffres béants
que sont ces nuits passées en
ta pourtant si chère compagnie.
Devant leur ampleur,
je ne peux que déplorer
ta figure éplorée
que défigurent sanglots apeurés.
Tu refuses le sommeil, Alice,
comme s’il s’agissait d’une insulte,
comme certaines terres incultes
s’entêtent à s’insoumettre
aux rayons du soleil.
Ton crâne au creux de mes mains.
Tes pleurs dans mes tympans.
Et le trop plein de tes larmes
jusque dans mes yeux.
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2. |
Carrefour des Nouettes
01:11
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Tombe, tombe la nuit
sur le carrefour des Nouettes,
sur le calvaire que fuient
même les chats noirs et chouettes.
Sombres, sombres les fruits
que l’on veut et souhaite,
les mirages que l’on suit,
miroir aux alouettes.
Tombe, tombe la pluie
sur le calvaire des Nouettes.
Derrière, la lune est seule et luit
sur nos deux silhouettes.
Nous, qu’on a cru si fiers
qu’on a cru bon s’y fier...
Depuis,
fleurissent les crucifères
dans l’ombre des crucifiés...
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3. |
Ciara
05:58
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Le ciel semble vide.
Le grand pin est à terre,
sans vie, déraciné,
muet.
Sous son poids,
étouffent tulipes et fumeterres,
et un pauvre pécher,
fluet,
et affreusement penché.
Sous un ciel gris-acier,
le printemps affleure, pourtant.
Mais le gel guette encore
les fleurs du cognassier.
Les abeilles,
frileuses,
hésitent à polliniser.
Le lilas, lui, s’en fout
et s’entête à coloniser.
Le ciel semble vide.
Le grand pin est à terre.
Étrange absence.
Je sens l’averse qui vient
et je me souviens, soudain,
que c’est le pin
que l’on planta à ta naissance.
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4. |
Léopoldine
05:04
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Au crépuscule, je suis revenu.
Et me suis souvenu
de ton corps nu,
devenu nul
et non avenu.
L’heure où la campagne rougit.
Ma seule compagne est une bougie
soufflée par le vent qui rugit.
Léopoldine, tu dors enfin.
Et tu n’auras plus jamais faim.
Car qui dort, dîne, beau séraphin,
ton sommeil est lourd et sans fin.
Et la nuit colle comme de la poix
sur nous,
sur moi,
surtout sur moi
qui peine, sue et ploie sous ton poids.
Les ronces hasardent
quelques lézardes,
puis elles te lardent
et te re-lardent,
comme moi,
de pointes et d’échardes.
Tu me regardes,
Mais sans me voir.
Sous tes yeux, s’allonge le même noir
Que celui des cieux de ce soir.
Autour, les moustiques se bousculent.
Et l’esthétique bascule
Vers la mystique du crépuscule.
Sentier.
Falaises.
Marée haute.
Le bruit de ton corps sur la roche
Qui s’y accroche et y ricoche
S’éloigne comme remords et reproches.
Dès l’aube, demain.
Demain, dès l’aube,
Sans doute un morceau de ta robe,
Ruinée par un pauvre pécheur,
Dans les mains d’un autre pêcheur.
Il hésite à te remonter.
Cette nudité éhontée.
Cette beauté effritée,
Puis polie
Par la folie des flots.
Léopoldine.
Il pense à sa fille.
Il pense à ton père.
Il pense que l’aurore
Chaque jour
Apporte son lot d’horreurs.
Mais, déjà,
Le vent dans les dunes
Souffle que Léopoldine
Est partie en ondine.
Et moi,
J’irai fouler ces mêmes dunes,
J’y abandonnerai ton foulard et,
Demain,
dès l’aube,
je partirai.
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5. |
Pôle Emploi
03:13
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Costumes mal lunés.
Cafés mal réveillés.
Visages mal passés,
trop moulus.
Et gêne mal dissimulée.
Médiocre moment à passer.
Mines compassées
sur vêtements mal repassés.
Médiocre moment à pousser
du bout du pied.
Le bleu de la moquette.
Le bleu du ciel.
Le vent qui fait chanter les feuilles.
La clim,
dans mon cou,
qui chuchote.
L’aggloméré de la table, lui, ne dit rien.
Les ongles rongés,
manucurés,
ou juste crasseux,
ne le font pas chanter.
Ils tapotent.
Chacun son rythme.
Les oreilles aux aguets, car
sait-on jamais...
Le cerveau complètement ailleurs, car,
au fond,
nous savons.
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6. |
Lambada dédoublée
01:35
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Un jeudi à quinze heures. Super U de Legé.
Le parking est désert. L’air est frais et léger.
En entrant sur la gauche, une maman et son môme,
sous deux écrans géants qui chantonnent en binôme.
Lambada dédoublée.
Mon regard est ailleurs :
aux bornes automatiques,
où une femme en tailleur
attend, morne et statique.
Juste avant,
un vieil homme fait bipper ses emplettes.
Sa baguette a l’air molle, et ses poires un peu blettes.
Juste après,
personne.
Quand la Lambada cesse,
cette femme pose devant elle
une cannette de 8.6
et un test de grossesse.
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7. |
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L’insomnie me dévore
et veille, en bonne omnivore,
à ce que je ne plonge
ni dans l’éveil,
ni dans les songes.
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XXIV Productions Corcoué Sur Logne, France
Nano label DIY
A.M.A.P. sonore pour musiques intrigantes
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